LES PINTADES

La pintade déjà domestiquée du temps des Romains semble ensuite avoir complètement disparu d'Europe. Les deux races à barbillons bleus et à barbillons rouges étaient déjà connues par eux.
On attribue aux Portugais sa réintroduction en Europe et ce serait eux qui lui auraient donné son nom actuel et qui viendrait de pintado, peint, bigarré.
Le naturaliste Belon (1517-1564) nous dit que les pintades furent accueillies avec tant d'empressement que de son temps elles étaient «dejà si multipliées en maisons des grands seigneurs; qu'elles nous en sont communes ».
Introduites ensuite en Amérique, elles s'y sont accli-matées très rapidement et y sont même retournées à l'état sauvage (Jamaïque).
Dans un article publié par la « Vie agricole et rurale » 9 Février 1914, je disais qu'on avait beaucoup écrit sûr la pintade et souvent bien des inexactitudes. Celui qui veut se documenter enlisant nos bons auteurs avicoles rencontre encore actuellement de telles divergences d'opinion qu'il doit se demander où est la vérité.
Qu'il s'agisse du nombre de femelles à donner à un mâle, dés caractères permettant de reconnaître les sexes, ou même plus simplement de l'alimentation et de l'éle-vage, les opinions les plus contraires sont affirmées avec une telle force que le. débutant ne sait absolument plus quels conseils je doit suivre. Pourtant s'il y a un élevage de basse-cour simple, c'est bien celui de la pintade et j'en parle en connaissance de cause puisque je l'ai pratiqué. ~ pendant un grand nombre d'années tout en élevant les autres espèces de volailles.
Le principal obstacle au développement de cet élevage -n'est pas sa difficulté mais le cri discordant qu'avec une -inlassable constance les pintades ne cessent de proférer à certains moments de la journée. Les uns veulent qu'elles appellent. « Socrate ! Socrate !Pour ma part je les crois plus modernes et c'est des millions de fois que j'aî entendu leurs horripilants: Coquelin ! Coquelin! Coquelin ! Quoiqu'il en soit ce cri est suffisamment désa-gréable pour avoir fait supprimer les pintades de toutes les basses-cours trop rapprochées des habitations.
Les vieux aviculteurs se rappellent qu'il y a bien des années, ne disons pas combien pour ne pas les vieillir davantage, les frères Voitellier qui dirigeaient alors l'excel-lente revue «L'Aviculteur de Mantes» offraient une prime à celui qui parviendrait à rendre les pintades aphones. Cette prime n'à jamais été distribuée, pourtant il n'est pas certain qu'un moyen ne puisse se trouver. On reproche aussi à cet oiseau- sa méchanceté, elle est réelle, mais j'avoue ne pas comprendre ceux qui veulent l'élever pêle-mêle avec les autres habitants du poulailler. Cette manière de faire est condamnée par tous : ceux qui -ont quelques notions pratiques d'aviculture. Pas plus qu'on ne doit mélanger des palmipèdes aux gallinacés, . on ne devrait élever ensemble certaines volailles dont le genre de vie et l'alimentation sont abso-lument différents. Le canard est un omnivore et un barbotteur, l'oie est ~~r~i~ore'.et .veut  de l'eau limpide, le dindon est un fourrageur et a besoin de beaucoup d'air, la pintade est restée un gibier apprivoisé, les coqs et poules de granivores sont devenus omnivores et sont sédentaires. C'est vouloir nuire à tous qui de les sôumettre au même régime et c'est augmenter les risques d'accidents et de maladies dans de fortes proportions. -
Les méfaits causés par les pintades dans un poulailler commun à tous les oiseaux de basse-cour sont les mêmes que ceux occasionnés par les dindons, les dindes et par-fois les coqs combatifs.
Je viens de dire que la pintade est tin gibier apprivoisé Ce qui prouve bien que sa domestication n'est pas encore bien accentuée, c'est . qu'elle est encore généralement restée monogame. Les accouplements aussi rapides, si ce n'est plus, ~que ceux des faisans, ont toujours lieu hors de la vue de l'homme de même que la couvaison.
En temps normal, ou plus exactement par une tempé-rature qui lui convient, une pintade ne se réfugiera jamais; même la nuit, dans un endroit où elle a la sensation qu'on puisse la capturer en fermant un des côtés de son gîte. Elle supportera les plus fortes pluies, la grêle et même la neigé, plutôt que centrer dans le poulailler dont elle a le libre accès. Je parle des oiseaux sains vigoureux et Jeunes et non de quelques vieux sujets conservés chez certains amateurs à titre de collection et dont l'anémie et la vieillesse on supprimé les instincts naturels.. Mais, et c'est là peut-être qu'est la raison de certains insuccès, si ce volatile a toutes les apparences d'une rusticité à toute épreuve, il n'en demande pas moins à l'état domes-tique et sous les climats qui ne sont, pas le sien, des soins qui consistent principalement à le maintenir de force sur un terrain sec et à le protéger des froids chaque fois que la température se rapproche de zéro degré.
Pour un vrai chasseur la pintade ne constitue pas un beau coup de fusil. Son élevage dans ce but paraît donc des plus limités. Nous devons lui considérer comme ré-pondant aux mêmes besoins que les coqs et poules, c'est-à-dire production de chair mais surtout d'oeufs.:
L'élevage en captivité et celui en demi-liberté sont donc les seuls à pratiquer, d'une part pour éviter la perte des oeufs que les poules-pintades savent fort bien dissimuler j'en ai vu enterrer leurs oeufs à plus de 15 centimètres de profondeur en sol meuble - et d'autre part pour obtenir une augmentation de précocité et de poids qu'il est impossible de réaliser dans l'élevage en liberté..
Contrairement à l'opinion de certains auteurs, l'éle-vage en captivité est non seulement parfaitement pos-sible, mais encore il est de beaucoup le plus avantageux. J'ai eu chez moi vingt-deux générations de pintades, ~élevées dans des parquets de 9 à 30 mètres carrés. La vigueur est restée la même, la fécondité a augmenté et surtout l'état de fécondation des oeufs est toujours bon parce que les reproducteurs sont par couples.
Ce dernier point demande quelques explications. A l'état sauvage la pintade est monogame mais dans quelques cas, que je crois assez rares, elle est devenue polygame à la suite d'une longue domestication chez des éleveurs. qui, écoutant les conseils d'aviculteurs en chambre, donnaient plusieurs poules à un coq. Il est à remarquer que même dans ce cas et en dehors de la favorite, les autres femelles ne reçoivent que rarement les faveurs du mâle, c'est ce qui explique le petit nombre d'oeufs fécondés récoltés dans les parquets nombreux.

Extrait de livre: Pintades et Dindons de Chenevard . W