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L'ORIGINE DU LAPIN

Les renseignements fournis par la paléontologie sur la date et les lieux d'apparition respective du lièvre et du lapin sont rares, ce qui s'explique par la difficulté de reconstituer les restes des rongeurs qui sont de petites dimensions et souvent très détériorés. Tout ce que nous pouvons dire, c'est que les restes des l.éporins trouvés dans l'Europe Occidentale et Centrale (pliocène d'Auvergne, quaternaire de Çracovie, cavernes osseuses de Belgique, grottes paléolithiques de l'Ain,. etc...) ont été rapportés à un animal très voisin, sinon identique au lièvre, tandis que, sur les bords de la Méditerranée, dans le quaternaire des Alpes- Maritimes, on a exhumé des débris qu'on rapproche plutôt du lapin que du lièvre. Il y aurait donc déjà là une indication que le lièvre montait vers le Nord plus loin que le lapin. Les documents archéologiques apprennent qu'on trouve dans les palafittes de la Suisse, quelques rares ossements de léporins que Rutimeyer rattache au lièvre.Les anciens auteurs grecs ne décrivent le lièvre nulle part, ils ne mentionnent que le lapin, c'est le cas d'Hérodote, de Xénophon et d'Aristote. S'ils l'eussent connu, c'est-à-dire s'il eût existé en Grèce et en Orient, ils n'auraient point manqué de le dire. Comment admettre, par exemple, que Xénophon, qui, dans sa cynégétique, parle de la chasse du lièvre, fut resté muet au sujet de celle du lapin si celui-ci eût vécu en Hellade ? Ce n'est que quand les Hellènes furent soumis à la domination romaine et qu'ils eurent des contacts journaliers avec eux, à partir du dernier siècle avant notre ère que leurs écrivains parlent du lapin. C'est ainsi que Strabon, qui avait tant voyagé, le cite, qu'Elien en fait autant, en indiquant très positivement qu'il s'agit d'un animal d'origine espagnole. Nous ne savons pas exactement à quelle date les Romains le connurent, mais leurs expéditions en Espagne et en Numidie les mirent nécessairement en présence de ce rongeur, car Catuile
(50 ans av. J.-C. qualifie l'Ibérie de « Cuniculosa », (lapinière, et Pline 70 de l'ère actuelle raconte que les lapins étaient si nombreux dans les îles Baléares qu'ils amenèrent une véritable famine en détruisant les céréales) . Cependant, ce n'était pas encore un animal familier aux Romains, car, au commencement du deuxième siècle de notre ère, l'historien Polybe le cite et, à la façon dont il le fait, on devine qu'il lui était peu connu : « on croirait voir un lièvre, dit-il, mais en le prenant à la main, on voit qu'il est d'une autre espèce. Vairon nous apprend très positivement que le lapin n'existait pas en Italie comme espèce indigène. On compte trois. espèces . de lièvre, dit-il. La première est notre lièvre d'Italie qui a les pattes courtes par devant et très longues par derrière, le poil fauve sur le dos, blanc sous le ventre et de longues oreilles... La seconde espèce, qu'on  rencontre  dans la partie  de la Gaule voisine des Alpes, ne diffère de la première que. par son pelage qui est tout blanc ; on en apporte rarement à Rome . La troisième espèce, Pi '0X1 appelle aussi « cuniculi » (lapin) , est originaire d'Espagne. Les lapins doivent leur nom aux terriers (cuniculi) qu'ils font sous terre pour . se cacher ; on se . procure facilement les . deux premières espèces de lièvre ; quant à la troisième ,  il faut la faire venir d'Espagne. La netteté de ce document indique que l'Espagne est le pays d'où . fut tiré le lapin pour se répandre peu à peu dans l'Europe Centrale et Méridionale. Il se pourrait que l'Ibérie l'eût importé d'Afrique à en juger par son abondance sur les côtes et dans les îlots des parages de Numidie. .. Actuellement encore, l'île de Zimbretta, en face de ' la Tunisie, n'est qu'une vaste lapinière. D'ailleurs; on peut suivre, les auteurs agronomes à la main, l'histoire de domestication du lapin.Au temps où écrivaient  Varron et columelle, les Romains! faisaient clore des parcs spéciaux qu'ils appelaient léporaria  analogues à nos garennes - dans lesquels ils entretenaient des lièvres, des  lapins, des moutons sauvages, des çerfs, etc... Nous avons un procédé nouveau, dit Varron, pour engraisser les lièvres, c'est de les prendre . dans les léporarium et de les placez dans des cages étroites et fermées.A ce moment toute l'intervention. humaine consistait . à capturer lièvres et lapins et à en engraisser quelques-uns en les mettant en  cage.Dans le long intervalle qui sépare la fin de l'Empire Romain de  laRenaissance (xvi éme siècle), on fit un progrès dans la voie de la domestication. A côté des garennes ou le léporarai des anciens, on  installa des clapiers parce que  1a garenne étant souvent dépeuplée par les vivandiers et les renards, il est. indispensable d'assurer son  redoublement par l'établissement d'un clapier attenant à la garenne et communiquant avec ce clapier est un bâtiment . en forme de carré long sur lequel sont élevées de petites cages ou tanières semblables aux terriers, séparées les unes des autres . La captivité en clapier avait déjà produit ses effets habituels sur le caractère des animaux
qu'on y maintenait, sur leur  taille et sûr la qualité de leur chair ; Ch. Estienne  et Jean Liebault
l'avaient  bien reconnu, les  passages suivants le prouvent : Dès que les petits connins sont assez grands pour se passer de la mère, on les met en liberté dans la garenne afin de les faire redevenir sauvages; autrement, si vous les tenez enclos et enfermez au clapier,ils
s'apprivoiseront et demeureront toujours comme endormis et pesants,' tels que sont les connins du clapier ; ainsi auront la chair plus crosse et moins plaisante.
Il se faut toutefois donner de garde de mettre en la garenne lis grands connins de clapiers, tant mâles que femelles, car, parce qu'ils n'ont point eu liberté de courir comme ceux de garenne et n'ont appris de se sauver dès assaux et incursions des renards et autres bêtes sauvages incontinent seraient dévorés, et pour': cela il vaut mieux les laisser en leurs clapiers accoutumés. Peu à peu, des' races nouvelles se' sont formées; mais ainsi que l'a judicieusement' fait remarquer M. Megnin, elles étaient encore fort peu nombreuses au commencement de ce siècle, puisque d'après « l'abbé Rozier, qui publia son dictionnaire
d'Agriculture en 1809, on n'en comptait que quatre. Le lapin monte beaucoup moins haut que le lièvre vers le Nord, ~n n'a pu l'acclimater dans la Russie du Nord, l'Islande, les Féroé. En Scandinavie le lapin de garenne ne va pas au delà du 56ê degré de latitude nord ; en le trouve en Hollande Vadéra et dans plusieurs autres petites îles des côtes de Blekinge. J'ai des raisons de croire qu'il ne peut vivre aux environs de Stockolm, quoique le sol soit sablonneux, m'écrit M. Arenaudes. Le lapin domestique monte plus haut, mais au fur et à mesure qu'on avance, il se fait de plus en plus rare et on ne le connaît pas in delà du 66° degré; on ne le mange d'ailleurs pas en Scandinavie et on ne l'entretient que pour l'amusement des enfants. Il résiste moins au froid et à une abstinence un peu prolongée que le lièvre, témoin, l'expérience qui fut faite en 1856 aux îles Féroé. A cette époque, on introduisit le lièvre et le lapin dans ces îles, le lièvre s'y est très abondamment multiplié, car il n'y a pas dé renards ; le lapin ne s'y est pas maintenu. Si le lapin n'a pu se répandre dans le Nord, en revanche, importé en Australie, il s'y est multiplié d'une façon prodigieuse et est devenu un animal des plus nuisibles, génant élevage d'autres espèces animales et particulièrement du mouton. Le climat sec et chaud de
l'Australie est très favorable à sa pullulation.
De ce qui vient d'être exposé, il résulte que le lièvre et le lapin appartiennent à deux espèces distinctes. Ce serait une erreur de considérer le lapin comme un lièvre domestique.

Extrait du Livre : **Savoir élever les Lapins** Par Maxime Petit